Le domaine viticole expérimental de Piolenc - À la recherche de solutions pour décaler la maturité des raisins

Il y a 2 années 929

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Brumisation, filet d’ombrage, forçage, vignoble agroécologique, entretien du sol avec des tuiles en plastique… Les essais menés par la chambre d’agriculture du Vaucluse sur son domaine expérimental de Piolenc couvrent une grande diversité de thématiques.

Fin juillet, la chambre d’agriculture du Vaucluse (CA84) ouvrait les portes de son domaine viticole expérimental de Piolenc. Une large place a été donnée à la thématique de l’adaptation au changement climatique. Les visiteurs ont pu se rendre sous le dispositif expérimental d’agrivoltaïsme dynamique de la société Sun’Agri mais aussi suivre l’avancée des travaux conduits depuis 2019 sur les filets d’ombrage antigrêle (Viti n°449, février 2020) et la brumisation (Viti n°452, mai-juin 2020).

Des filets d’ombrage plus prometteurs

« Nous avons du mal à quantifier l’intérêt de la brumisation sur vigne », reconnaît Silvère Devèze, conseiller viticole à la CA84. Cette technique, dont le protocole a été revu en 2020, n’apporte en effet pas la « plus-value » espérée comparé à un apport d’eau similaire par goutte-à-goutte. « Nous n’avons pas vu de différences sur le décalage de maturité, sur le rendement et lors de la dégustation », résume-t-il. En outre, une dérive importante de la brumisation a été constatée les jours de mistral.

Si cet essai risque de ne pas être reconduit l’année prochaine, celui mené avec les filets antigrêle, offrant notamment 70 % d’ombrage, apparaît comme plus prometteur. Deux années à suivre, un décalage de maturité de 11 jours avec le témoin a été engendré. Cette année, les expérimentateurs ont par ailleurs économisé 30 mm d’eau sur toute la saison avec ce filet, en maintenant les vignes dans le même niveau de stress hydrique que le témoin. Ces résultats restent bien sûr à confirmer, tout comme l’impact sur la couleur du vin (uniquement observé en 2019). « Des questions demeurent sans réponse sur la perte de rendement et l’effet cumulatif de l’ombrage sur la vigne au fil des ans », ajoute Silvère Devèze.

Le forçage en test

Face au réchauffement climatique, la technique de forçage, documentée notamment dans la revue technique de l’Ives, a également été dévoilée aux visiteurs, avec prudence. « Cette technique est testée en Espagne et dans les pays chauds pour décaler la maturité jusqu’à deux mois et avoir deux vendanges, indique le conseiller viticole. À la moitié de la floraison, on coupe les sarments au 6e nœud et on enlève ou on laisse les grappes. L’idée est que des bourgeons secondaires démarrent et fassent une seconde production. Dans notre cas, nous avons fait le test sur notre variété autochtone, le grenache. Nous avons comparé le témoin à une première modalité, sur laquelle nous avons réalisé le forçage à 50 % de la floraison, tout en laissant les grappes. Dans la seconde modalité, nous avons en plus enlevé toutes les grappes. »

Pour cette première année d’étude, aucun décalage de maturité n’a été observé. La production de raisins après forçage s’est également avérée insuffisante pour être vinifiée. « Outre le temps qu’il faut pour ébourgeonner, les rameaux secondaires qui ont une croissance décalée sont très sensibles au mildiou. Nous avons dû réaliser trois à quatre traitements en plus », explique-t-il. Cette méthode pourrait être retestée à l’avenir, mais avec une méthodologie différente.

Agroécologie : une vigne non taillée en essai
Durant la matinée portes ouvertes du domaine expérimental de Piolenc, les visiteurs ont pu s’arrêter au vignoble agroécologique, implanté en 2019 dans le cadre du projet DiverViti (Dephy Expé).
Dans cette parcelle de 0,6 ha, un rang de thym a été planté entre chaque rang de vignes, espacé de 1 m sur le rang et de 3,40 m sur l’interrang. La couverture du sol est quasi totale grâce à la présence de piloselles dans les rangs de vignes et de plantes herbacées, là où il n’y a pas de paillage de lin et de chanvre.
La vigne est fertirriguée à l’aide d’un goutte-à-goutte enterré à 70 cm de profondeur. « Elle n’est pas du tout taillée pour être moins sensible aux maladies. Nous avons fait le choix d’un matériel végétal vigoureux avec le porte-greffe Ru140, quatre cépages blancs et des cépages rouges résistants issus du programme Inrae-Resdur », décrit Pauline Garin, conseillère en viticulture et plantes à parfum, aromatiques et médicinales.
Des infrastructures favorisant la biodiversité ont également été installées sur la parcelle (nichoirs, haies diversifiées…). Le projet durera jusqu’en 2023 avec pour ambition de concilier respect de l’environnement, adaptation au changement climatique, rentabilité économique et facilité de travail.

Désherbage : des tuiles sur une parcelle en dévers
En parallèle, des démonstrations de travail du sol par le robot Ted de chez Naïo Technologies, les conseillers viticoles de la chambre d'agriculture ont présenté des tuiles en plastique recyclé Symbio (Viti Enjeux n°33, décembre 2020) comme alternative au désherbage chimique du cavaillon.
Ces tuiles sont par ailleurs testées depuis deux ans dans une parcelle en dévers située à Vacqueyras : « Nous avons voulu réaliser cet essai dans une situation où le travail mécanique n’est pas possible. Techniquement, nous voulions aussi voir l’évolution sur un plantier », précise Rémi Vandamme, conseiller viticole à la CA84.
Deux autres modalités intègrent l’étude : un paillage d’amidon (phormium) et un paillage à base de broyat de vigne mère de porte-greffe, issu de la valorisation de déchets (un autre travail conduit par la CA84). Les premiers résultats sont en cours d’acquisition.

Article paru dans Viti Leaders n°465 de novembre-décembre 2021

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