Domaine des schistes, Pyrénées Orientales - Un semoir adapté aux engrais verts en mélange

Il y a 2 années 825

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Pour maximiser la biomasse produite par ses engrais verts, Mickaël Sire, vigneron dans les Pyrénées-Orientales, mise notamment sur le surdosage, sur les amendements et sur un semoir autoconstruit adapté à son mélange de semences.

Dans les vignes du Domaine des Schistes à Estagel (66) au pied des Pyrénées, les engrais verts ne font pas de vieilles nervures ! Dès le mois de mars, si le début du printemps s’annonce sec, tous les couverts sont détruits. Les bois de taille et l’enherbement temporaire présents dans tous les rangs sont broyés simultanément.
« Ici, il pleut en moyenne 400 mm/an. Dès le début du printemps, le sol peut être asséché par un couvert bien développé. La vigne se retrouve en stress hydrique, concurrencée par les engrais verts. Les suivis réalisés au sein du GIEE Les couvreurs de vigne, auquel j’appartiens, l’ont montré. Notre expérience depuis dix ans l’a confirmé. Il faut détruire tôt pour bloquer l’évaporation du couvert végétal. Rouler le couvert plus tard dans la saison n’est pas une technique de destruction adaptée à nos objectifs. Avec le rouleau, les plantes pincées jeunes perdent en vigueur, mais continuent de se développer. Le système racinaire puise encore de l’eau ; trop pour les réserves présentes dans nos sols. En 2016, nous en avons fait les frais. Durant cette année particulièrement sèche, les parcelles avec des engrais verts roulés tardivement nous ont fait perdre 50 % de rendement. Quand on sait que notre rendement moyen est de 30 hl/ha, il n’est pas surprenant que nous ayons changé notre fusil d’épaule dès l’année suivante. »

Semer tôt, dès le mois d’août

Mickaël Sire a arrêté ses essais de non-travail du sol et de roulage, mis en place pendant trois ans sur une partie de son domaine de 45 ha. Le vigneron a alors opté pour un travail superficiel du sol et pour une destruction précoce par broyage. « Cet itinéraire se révèle plus adapté en printemps secs. Nous sommes satisfaits de la vigueur de nos vignes. On réalise 3 à 4 binages entre la destruction des engrais verts de l’année n et le semis des couverts de l’année n+1. Le semis se fait sur un sol propre et bien émotté. Au début, nous semions tous les engrais verts. Mais ce positionnement pratique dans l’organisation du travail n’est pas l’optimum agronomique. Il fait sortir plus de ray-grass, et la biomasse produite est moins importante qu’avec des semis plus précoces. Désormais, les semis débutent vers le 15 août. Les graines sont semées dans le sec et lèvent avec les premières pluies de septembre. Sur ce créneau, le risque est qu’il pleuve sur le semis, puis qu’il fasse sec pendant plusieurs semaines. Les semis se poursuivent ensuite après la récolte manuelle des blancs et avant celle des rouges. Dans ce cas, ce sont les épisodes pluvieux méditerranéens qui sont à craindre. Ces orages violents emportent la terre fine et les graines avant qu’elles n’aient eu le temps de germer. Chaque fenêtre a ses avantages et ses inconvénients, convient Mickaël Sire. Les aléas climatiques, qui limitent la production de biomasse des engrais verts, sont nombreux. Ce sont des paramètres que l’on ne maîtrise pas. » Sur les autres paramètres, le vigneron met toutes les chances de son côté.

Un recours au surdosage

Il maintient tout d’abord une fertilisation régulière des sols. Tous les deux ou trois ans, de la matière organique locale est appliquée sous forme de fumier ou de compost de champignonnière, représentant « 15 à 20 t/ha », estime le vigneron.
Sur les 20 ha du domaine sur lesquels des engrais verts sont mis en place, des mélanges multiespèces sont semés. « La féverole est la base du mélange, mais j’ai tendance à réduire sa proportion. Elle est régulièrement attaquée par de la rouille, ce qui réduit sa biomasse. Je compense par d’autres espèces à cycle végétatif court. »
Mickaël Sire pratique aussi un surdosage sur ses mélanges d’engrais verts. « Par rapport aux références, je rajoute 30 % de graines en plus, indique-t-il. Nous semons tous les rangs, sur des bandes de 165 cm, quand l’espace interrang est de 2,5 ou 3 mètres. Cela nous amène à une dose de semis de 150 kg/ha de vigne. Pour mes 20 ha de vignes enherbées, j’ai besoin de 3 t de semences. Avec le GIEE, nous faisons des commandes groupées auprès du collectif Graines équitables », une coopérative audoise réunissant une quarantaine d’agriculteurs bio produisant des mélanges pour les engrais verts viticoles. « Avec un prix de semence à 500 €/t, le surdosage ne représente pas un investissement majeur. J’achète pour 1 500 € de semences bio par an. Sans surdosage, la facture serait de l’ordre de 1 100 €. »

Un semoir adapté au semis de couverts en mélange

Un moteur d’essuie-glace entraîne la distribution à ergots de la trémie. Pour régler le débit, un potentiomètre va être ajouté. Le semoir autoconstruit est aussi régulièrement amélioré pour limiter les pertes à la levée. Un semoir à dents est bien adapté au semis de grosses graines de type féverole. Un semoir vibro-répartiteur est intéressant pour les petites graines n’ayant pas besoin d’être enterrées profondément. Or, les mélanges sont souvent mixtes. L’idéal serait donc que les semoirs le soient aussi ; une orientation qu’il a prise.
Le semoir du domaine est en effet équipé de deux trémies, une pour les petites graines du mélange, comme les crucifères et les lentilles, et une autre pour les autres semences (féverole, vesce de Narbonne, gesse, avoine, seigle forestier). « Cette trémie alimente 7 descentes associées à des dents. L’autre, une Delimbe, est reliée à six tuyaux flexibles. Depuis cette année, nous avons ajouté au cadre de vieilles roues en fer indépendantes les unes des autres. Positionnées dans l’axe des flexibles, elles rappuient le sol sur les petites graines posées à la volée. On espère ainsi améliorer leur germination. Pour la prochaine campagne, nous travaillerons sur le réglage du débit du semoir.»

Des résultats mesurés

Grâce au GIEE auquel il appartient, des mesures sont prises sur les couverts de Mickaël Sire. « Au maximum, la production de biomasse a été de 8 tonnes de matière sèche par hectare. En parallèle, nous faisons des analyses de sols régulières. Les taux de matières organiques remontent. La comparaison des rendements entre les parcelles avec couverts et celles sans ne montre pas encore de différences imputables à la technique. Et plus empiriquement, on constate une amélioration de la structure du sol. Ce dernier est plus simple à travailler et nous n’avons plus de croûte de battance en surface. Enfin, les pluies n’emportent plus la terre fine en bas des coteaux. Nous avons encore des marges de progrès, mais je peux dire aujourd’hui que les engrais verts remplissent toutes les missions que nous attendions d’eux », conclut Mickaël Sire.

Nicolas Dubreuil, Civam bio 66 : « On surveille la concurrence hydrique »
« Les suivis réalisés au sein du GIEE Les couvreurs de vigne nous ont clairement montré que le risque de concurrence hydrique est réel dans nos conditions pédoclimatiques méditerranéennes. Tout se joue souvent dans le courant du mois de mars, où, en l’espace de quinze jours, on peut vider le réservoir hydrique du sol avec un couvert à forte biomasse.
Deux stratégies sont alors possibles : soit miser sur un couvert à faible biomasse avec un objectif de portance au printemps (auquel cas on peut repousser la destruction), soit viser un couvert de type bio-max en favorisant au maximum le gain de biomasse à l’automne, plutôt qu’au printemps.
Pour la seconde stratégie, l’expérience nous montre qu’il est tout à fait possible d’avoir de jolies biomasses fin février sur les parcelles en optimisant la technique de semis et la composition du mélange : 3 t de matière sèche pour les années les plus sèches, et jusqu’à 8 t1 pour les meilleures années. »
(1) La biomasse est toujours exprimée en plein à ramener à la surface réellement couverte.

Article paru dans Viti Leaders n°464 d'octobre 2021

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